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La mise au point de nouveaux matériaux a toujours demandé de très nombreuses années de recherche. Avec l’intelligence artificielle, des scientifiques américains ont été deux cents fois plus rapides pour « inventer » des verres métalliques.

La découverte du ciment au début du xixe siècle a révolutionné les secteurs du bâtiment et des travaux publics. L’impact industriel, technique et économique a été considérable. Une formidable innovation précédée de siècles de « bricolages » intuitifs et de mélanges expérimentaux autour du calcaire et de l’argile, les composants de base du ciment. Jusqu’à encore assez récemment, il fallait toujours de nombreuses années aux artisans et aux ingénieurs pour découvrir les alliages et matériaux composites qui ouvriraient de nouvelles perspectives à l’industrie. L’intelligence artificielle (IA) vient renverser la table.

C’est en s’appuyant sur ces fameux algorithmes qu’une équipe de scientifiques nord-américaine vient de mettre au point trois nouveaux types de verres métalliques, en deux cents fois moins de temps qu’il n’en faut habituellement pour arriver à ce résultat. Cette spectaculaire accélération dans la conception de nouveaux verres métalliques est de nature à bouleverser des secteurs industriels innovants comme celui des engins spatiaux et celui des smartphones, très demandeurs de matériaux plus légers et plus solides que l’acier.

Grâce à l’IA, en utilisant des bases de données enrichies en permanence, on multiplie le nombre de tests sur des combinaisons, de façon virtuelle.

Pour créer du verre métallique, explique un article publié dans la revue spécialisée Science Advances par une équipe de la Northwestern University, à Chicago, qui a travaillé avec le SLAC National Accelerator Laboratory (Stanford) et le National Institute of Standards and Technology, des millions de combinaisons sont possibles, et jusqu’alors, seuls quelques milliers ont été testées en laboratoire. Et une poignée d’alliages seulement a trouvé un usage dans l’industrie. Grâce à l’IA, en utilisant des bases de données enrichies en permanence, explique Chris Wolverton de la Northwestern University, on va multiplier le nombre de tests sur des combinaisons, de façon virtuelle.

Machine learning et data mining

L’équipe de scientifiques a commencé par entrer dans ses ordinateurs les caractéristiques des matériaux déjà existants : solidité, poids, comportement à la chaleur, au froid, à l’étirement, à la compression, l’élasticité, la compatibilité avec d’autres matériaux… Puis elle a écrit un programme, chargé, d’une part, d’analyser les propriétés des alliages entrés dans la base et, d’autre part, de réaliser virtuellement les mélanges expérimentaux que les ingénieurs auraient faits « à la main » dans leurs labos d’essai.

Selon un processus de « machine learning » (apprentissage automatique), l’ordinateur examine les résultats de ses propres expérimentations théoriques pour en tirer des enseignements qu’il va ensuite intégrer à son programme. Au terme de ce processus, l’algorithme a sélectionné un nombre restreint de combinaisons possibles pour créer de nouveaux matériaux. Restait alors aux ingénieurs à réaliser en laboratoire les mélanges proposés par l’IA pour les tester et les valider.

Pour nourrir sa base de données, les équipes de la Northwestern University ont fait du « data mining » (recherche automatisée de données) dans l’ensemble des publications sur les différents verres métalliques. Elles ne sont pas les seules. Le célèbre MIT, à Boston, travaille dans le même sens. Il a mis au point un algorithme capable de scanner les publications scientifiques pour récupérer les paragraphes contenant des éléments de « recettes » de fabrication du nouveau matériau dont traite l’article. Ces recettes sont très précieuses, soulignent les scientifiques, pour enrichir l’algorithme de création d’un nouveau composite, et ce dans tous les domaines, bien au-delà du verre métallique. Il est possible d’aller encore plus vite en automatisant complètement le process, affirme Chris Wolverton au magazine The Verge. En confiant notamment à un robot l’étape d’expérimentation manuelle d’une « recette » en laboratoire.

17/01/2019